La carte mentale peut être très utile lorsqu’il s’agit de travailler la mise en forme des idées principales d’un thème.

Par exemple ici nous avons travaillé en classe le document suivant, accompagné par plusieurs autres documents avant de mettre en place un tour de salle pour compléter la carte mentale finale.

 

La tache suivante a été de rédiger un document de synthèse.

 

Document d’actualité. La Chine saisie par la folie des barrages

 

La grande muraille grise coupe sans ménagement la vallée creusée par la rivière Jinsha, à la charnière des provinces du Sichuan et du Yunnan. En aval du barrage installé sur cet affluent du fleuve Yangzi, les eaux jaunes qui dévalent du déversoir lèchent à coups de vagues nerveuses les rives de la ville de Xiangjiaba installée en contrebas du troisième ouvrage hydroélectrique de la Chine en termes de puissance. Une cité sans grâce, avec ses cheminées et ses usines intégrées au tissu urbain, que la muraille d'environ 200 mètres de hauteur a tiré de l'anonymat.

Lorsque l'ouvrage, qui a déjà mobilisé 14 milliards de mètres cube de béton, sera achevé, en 2014, notamment un impressionnant ascenseur à bateaux, il permettra d'actionner huit turbines géantes de 800 MW, les plus importantes au monde.

Xiangjiaba ne rivalise pas avec le parc de 32 turbines du gigantesque barrage des Trois-Gorges et leurs 22 000 MW potentiels. Mais il confirme l'engouement chinois pour les équipements hydroélectriques, y compris géants, quel qu'en soit le prix à payer pour l'environnement (perturbations climatiques et glissements de terrain) et pour les populations chassées par les travaux. L'ouvrage de Xiangjiaba a ainsi entraîné officiellement le déplacement de plus de 100 000 personnes.

Samedi 28 septembre, un nouvel appel d'offres concernant 16 turbines de 1 000 MW devait être lancé, sans que l'on sache pour quel barrage. Une puissance jamais atteinte jusqu'à présent.

Après la publication du douzième plan quinquennal chinois (2011-2015), le Conseil d'Etat chinois a fixé le cap d'une politique énergétique qui assigne un objectif ambitieux au secteur hydroélectrique. La spécialiste de l'énergie, Sylvie Cornot-Gandolphe, le rappelle dans une note de l'Institut français des relations internationales, publiée en avril. C'est principalement sur le secteur hydroélectrique que repose le défi d'atteindre le seuil de 15 % d'énergie renouvelable dans la consommation primaire du pays, principalement pour lutter contre la pollution des centrales à charbon qui empoisonnent les métropoles chinoises, très loin devant l'énergie solaire, éolienne, ou tirée du nucléaire.

 

VÉRITABLE CATHÉDRALE

Doubler la puissance hydroélectrique (380 000 MW au lieu de 190 000 actuellement), c'est déjà produire 10 % d'énergie renouvelable. En théorie, au terme de cet effort particulièrement volontariste, 71 % du potentiel hydroélectrique chinois sera exploité selon l'International Hydropower Association (IHA) dans son rapport prospectif annuel publié en avril.

En amont, sur la Jinsha, une autre muraille émerge déjà, celle du barrage de Xiluodu, que ses 13 600 MW placeront largement devant Xianjiaba, cadenassant un peu plus un cours d'eau autrefois sauvage et aujourd'hui "perdu" dont les photographies nostalgiques de Luo Lianjie tentent de garder le souvenir.

"Chaque année, les Chinois installent 15 GW en hydroélectricité", estime Yves Rannou, le responsable de la branche pour la Chine du groupe français Alstom. Un chiffre que confirme l'IHA pour l'année 2012 et qui doit être comparé avec celui des installations nouvelles dans les autres régions du monde cette même année, l'Asie mise à part : 1,9 GW pour l'Amérique du Nord, 1,8 pour l'Amérique du Sud, 0,5 pour l'Europe et 0,3 pour l'Afrique. On peut aussi rapprocher les 15 GW chinois des 25 GW de puissance installée de l'ensemble des barrages français pour en mesurer l'ampleur.

Creusé dans le rocher sur le flanc droit du barrage de Xiangjiaba, à son aval, un tunnel s'enfonce dans la terre. Il commande l'accès à une véritable cathédrale qui résonne d'un sourd ronronnement. Sans attendre la pose de la dernière pierre, les eaux de la rivière Jinsha actionnent déjà quatre turbines Alstom et leurs alternateurs. Ils ont été acheminés par voie fluviale jusqu'à un quai de Xiangjiaba, tout près du barrage, là où mouille ce jour-là un cargo déchargé de sa cargaison de charbon.

Ces quatre monstres de plus de 2 000 tonnes ont été déposés dans leur logement par des ponts de levage à la hauteur de leur démesure et qui reposent sur leurs rails à l'entrée de la salle souterraine.

L'entreprise française a inauguré, le 17 septembre, en grande pompe, une nouvelle usine dévolue à l'hydroélectricité sur le territoire de la municipalité autonome de Tianjin (nord-est), dans une zone industrielle où Airbus dispose également d'une grande chaîne de montage. Elle tente ainsi de se placer au plus près de ce marché mirobolant. Sur place, Patrick Kron, le président de la compagnie française (qui avait invité à cette occasion quelques journalistes dont celui du Monde), a estimé à 50 % la part chinoise des installations hydroélectriques à venir dans le monde, et à 85 % celle de l'ensemble de l'Asie du Sud-Est à l'horizon 2035, avant de vanter cette énergie "propre, renouvelable et tout particulièrement stockable".

"IL FAUT SERRER LES BOULONS"

Même si la part de l'hydroélectricité reste modeste dans les résultats d'Alstom (10 %), cet eldorado justifie l'investissement de 100 millions d'euros que l'entreprise a effectué en Chine malgré un contexte général de réduction des coûts. "Il faut serrer les boulons. On peut y arriver, y compris en Chine, sans être dans une stratégie de repli", a assuré M. Kron, en marge de l'inauguration.

L'entreprise française n'est pas la seule intéressée par la partie turbines et alternateurs des installations à venir . Ses concurrents autrichien Andritz et allemand Voith sont à l'affût de contrats. Voith, qui observe sur cette question une discrétion et une pudeur de jeune fille, dispose d'une filière intégrée comparable à l'entreprise française. Le groupe allemand peut également mettre en avant l'usine dont il dispose à Shanghaï. Construite initialement avec Siemens et Shanghai Electric Corporation, ce site est désormais contrôlé à 80 % par l'allemand qui ne manque jamais de rappeler qu'elle a équipé la toute première installation hydroélectrique du pays, Shi Long Ba, en 1910.

Mais les énergéticiens étrangers n'ont pas les coudées franches sur place. Pour preuve, les quatre autres turbines installées au barrage de Xiangjiaba sont de fabrication chinoise. Deux puissants groupes, Harbin Electric et Dongfang Electric, qui revendiquent 40 % des parts de marché chinoises contre 20 % pour Alstom, tiennent désormais leur rang après avoir beaucoup progressé au contact des entreprises étrangères. Invité à comparer les avantages et les faiblesses de ses fournisseurs chinois et français, Nie Yunlong, responsable de la Compagnie des Trois-Gorges qui gère le barrage de Xiangjiaba, sourit poliment avant de parler des prix "un peu plus élevés" des produits d'Alstom.

Le souci de la qualité, mis en avant par l'entreprise française comme par Voith, peut permettre de garder une petite marge stratégique d'avance par rapport à Harbin et à Dongfang dans la quête du gigantisme qu'illustrent des turbines de plus en plus puissantes. Mais dans une industrie lourde chinoise actuellement en "surcapacité", a fortiori lorsque la croissance vient à ralentir , comme l'estime à Pékin un bon connaisseur des réalités économiques qui tient à garder l'anonymat, les batailles à venir risquent d'être particulièrement féroces.

 

 

Gilles Paris (Xiangjiaba Chine), Le Monde, 27 septembre 2013