Penser la salle de classe …
L’apprentissage collaboratif, individualisé, actif ou centré sur les étudiants gagne en popularité et métamorphose les locaux d’enseignement.
« Ce qui est important: c’est de savoir que la disposition de la salle où va avoir lieu la formation ou l’enseignement, n’est pas neutre. Elle est en quelque sorte la marque de l’accueil du formateurs ou de l’enseignant; leur offre de contact, l’expression de leur demande; elle leur dit aussi comment le travail va se faire. »
Il existe de multiples façons possibles de positionner les élèves dans l'espace classe, pour certaines encore à inventer. Aucune n'est intrinsèquement « bonne » ou « mauvaise », tout dépend du projet pédagogique construit et mené par l'enseignant et des objectifs qu'il se donne.
Surtout, l'aménagement spatial d'une salle de classe quel qu'il soit n'est pas neutre, bien au contraire : il porte une très forte valeur symbolique car il induit une forme de communication et de transmission entre l'enseignant et les apprenants ; plus encore, entre les apprenants eux-mêmes.
L'important est donc de savoir et de comprendre que la disposition des tables et des places est l'expression des modalités de l'enseignement, de la façon dont les apprentissages et le travail vont se faire.
Un lieu classique :
Si nous tapons « salle de classe » dans Google nous allons avoir les mêmes images qui reviennent … Image après image, le même constat : la salle de classe est un espace ordonné, où les élèves sont « rangés » (en rang dans les couloirs pour attendre d’entrer en classe, assis sur des bureaux en rang dans la salle de classe). La salle de classe est aussi un espace de contrôle.Entre les murs de la salle de classe comme dans tout lieu d’apprentissage, c’est aussi l’apprentissage du conformisme qui est dénoncé, parfois même par les « premiers de la classe ».
La salle de classe, le lieu d’un métier
Pour les enseignants, la salle de classe est un territoire du quotidien. Mais, selon les pratiques, cet espace est approprié de manière diverse : dans l’enseignement primaire, l’enseignant s’approprie totalement « sa » classe. Il l’aménage, la décore, la structure en fonction de sa pratique pédagogique. Dans l’enseignement secondaire, la salle de classe est un espace partagé entre plusieurs enseignants. Parfois une salle « spéciale » sort de l’ordinaire comme les laboratoire et obtient un décors spécifique.
L’identité de la salle de classe n’est donc pas la même dans ces deux niveaux : elle devient le lieu d’un enseignant en primaire, et le lieu d’une discipline dans le secondaire. Mais, dans tous les cas, elle est le lieu où l’enseignant exerce son métier. »
Les tables alignées les unes derrière les autres, les élèves vers le tableau
Traditionnellement, les classes sont installées en « autobus » (en lignes), de manière à ce que les élèves soient tournés vers le tableau, vers l'enseignant.
Pour les élèves, cette disposition qui repose sur le postulat que le professeur est le modèle à imiter, induit des phénomènes de centration de la communication vers ce dernier.
Pour l'enseignant, c'est une disposition qui a l'avantage de favoriser la transmission collective de l'information. Cependant, trois objections peuvent lui être opposées :
• elle présuppose que l'attention de tous soit toute entière tournée vers le professeur,
• elle suscite chez ce dernier la tentation d'identifier la classe à un bloc que caractérise son attitude globale : « classe apathique », « classe agitée », « classe dynamique », etc.,
• elle entraine de la part de l'enseignant une vision excessivement négative des communications entre élèves, considérées comme parasites, fortement désagréables et perturbatrices.
D’autres approches ?
D'autres possibilités d'agencement des tables sont toutefois possibles ; agencements qui ne donnent pas forcément une place particulière au professeur, ni ne créent une relation de type « frontale » entre ce dernier et les élèves.
Certaines de ces dispositions maintiennent l'orientation vers le tableau, comme le U, le double U ou le placement en épis ; d'autres organisent la classe en petits groupes de quatre ou six places, en carré ou rectangle, que l'on peut nommer des îlots. Dans cette dernière configuration, les élèves ne font pas nécessairement face au tableau, qui se trouve pour certains d'entre eux, voire pour la plupart si il est impossible de disposer les îlots en épis faute de place, de côté. De même, leur attention n'est plus systématiquement et exclusivement centrée sur le professeur.
travail par îlots : Le placement des îlots et du bureau est essentiel ! Si le bureau peut disparaitre il faudra souvent composer avec la réalité de la salle de classe…
La distribution des élèves au sein des différents îlots est fonction des besoins de chacun et des objectifs poursuivis par l'enseignant ; elle est aussi fonction de la nature du travail mené par la classe, ou bien encore par l'îlot lui-même.
Aussi existe-t-il un grand nombre de possibilités :
◦ par affinités,
◦ par complémentarité des compétences acquises,
◦ en fonction des difficultés des uns et des facilités ou des capacités des autres,
◦ afin de circonvenir des attitudes peu propice au travail,
◦ afin de mettre en place des formes de tutorat ou d'accompagnement par les pairs,
- afin de stimuler l'appétence de certains ou de satisfaire celle d'autres.
L'agencement en îlots est particulièrement favorable aux travaux collaboratifs et/ou coopératifs comme à la réalisation collective d'une tâche complexe. Toutefois, pour faire preuve d'efficacité pédagogique, ce type de travaux nécessitent d'une part une préparation très rigoureuse et, d'autre part, le respect d'étapes incontournables :
◦ distribuer – ou demander aux élèves de se distribuer - des rôles adaptés (au profil de l'élève, à la capacité qu'il va devoir travailler, à celles qu'il maitrise) du type « rédacteur », «orateur», «maître du temps», «gardien du niveau sonore», «responsable de la gestion des ressources documentaires », etc.,
◦ donner une ou des consignes générales et/ou propre à l'îlot très précises et veiller à ce que dans chaque îlot soit désigné un « détenteur de la consigne »,
◦ prendre le temps de construire et/ou de commenter la grille dévaluation en insistant sur les capacités qui seront travaillées - voire évaluées - mais aussi sur les possibles pénalités individuelles et/ou collectives en cas de comportement inadapté,
◦ commencer systématiquement par une phase de travail individuel et silencieux avant de passer au travail collectif, parfois même en transitant par une étape intermédiaire (deux élèves puis quatre),
◦ terminer obligatoirement avec une « mise en commun », par une « synthèses », une mise en perspective à l'échelle de la classe.
➔ Il s'agit d'amener les élèves à coopérer mais aussi à respecter le travail de chacun. D'où la nécessaire alternance entre des temps pour écouter, des temps pour travailler seul et des temps pour chercher et construire ensemble.
Les filières professionnelles montrent l’exemple
L’open-space en lycée professionnel
Les élèves de la section Gestion-Administration travaillent dans un open-space (table de réunion, îlots et matériel informatique à disposition, salle de convivialité) qui les projettent d’ores et déjà dans le monde de l’entreprise.
Dans les filières comme l’hôtellerie ou la cuisine les salles de classe sont les cuisines …
Une salle de classe doit-elle avoir 4 murs ?
. Un aménagement des salles de classe plus flexible augmenterait l’attention des élèves (Huffington Post, 2013)
Des chercheurs de l’Université d’État de Caroline du Nord ont ainsi mis au point une salle de classe spécialement conçue pour améliorer la qualité de l’apprentissage.
Le concept tient en deux points : flexibilité et interactivité.
Des infrastructures mobiles, pour configurer la classe selon les besoins du professeur et des étudiants.
Des technologies récentes (ordinateurs portables), pour concerner davantage les étudiants et permettre une plus grande interactivité entre la classe et l’enseignant.«
« Cette salle nous permet d’enseigner différemment », affirme Gavin Brockett, professeur agrégé en histoire, religion et culture à l’Université Wilfrid Laurier. Il utilise la salle verte, qui peut accueillir 40 personnes, depuis son ouverture en 2012. Il traversait alors une sorte de crise en enseignement : le taux de présence à ses cours pouvait chuter jusqu’à 40 pour cent avant le milieu du trimestre. Il était donc prêt à essayer de nouvelles techniques pour motiver davantage ses étudiants.
Dans la salle verte, M. Brockett a demandé à ses étudiants de faire des exposés sur les pirates de la Méditerranée au XVIe siècle et a organisé des projets de groupe par vidéoconférence avec des étudiants en Turquie. Même s’il lui faut plus de temps et de créativité pour préparer ses cours, ce qu’il avoue trouver difficile (« J’enseigne l’histoire. Ce n’est pas dans mes cordes. »), il maintient le cap. « J’ai bien plus de plaisir lorsque les étudiants sont au rendez-vous. » Et ils y sont : selon lui, le taux de présence à la mi-trimestre atteint maintenant plus de 90 pour cent.
Cet espace a permis à M. Brockett d’adopter une méthode d’enseignement plus active et centrée sur les étudiants, qui consiste à réserver du temps en classe aux discussions de groupe et aux activités autres que les cours magistraux traditionnels. Les locaux habituels peuvent présenter certaines limites à cet égard. Il peut être frustrant de devoir déplacer de lourds bureaux avant les travaux de groupe ou d’essayer de lancer une discussion dans une vaste salle de conférences offrant une mauvaise acoustique.